Le salafisme en France
On estime à environ 15 000 à 20 000 le nombre de salafistes en France; 50 à 60 % d’entre eux sont issus d’une famille d’origine maghrébine tandis que 25 à 30 % sont des convertis. Il s’agit d’une population relativement jeune, entre la trentaine et la quarantaine. Tous les musulmans ne sont pas également sensibles au salafisme : l’attitude varie selon leurs caractéristiques ethno-nationales et leur héritage culturel, ainsi que selon leur situation géographique et leur culture politique. Ainsi constate-t-on que les Maghrébins constituent un public cible du salafisme, car il s’immisce dans leur fracture identitaire et renvoie à « une image positive de l’arabité » : le salafisme apparaît donc comme un moyen de retrouver une identité « perdue » et de proposer une alternative à la seule identité française perçue comme corruptrice. Les Turcs, en revanche, se tournent relativement peu vers le salafisme, compte tenu de l’emprise exercée sur les communautés turques par la DITIB et le Millî Görüs, qui entretiennent un lien affectif et sentimental avec le pays d’origine et rappellent régulièrement que le salafisme est un mouvement essentiellement arabe, voire saoudien. Les convertisreprésentent une part importante des salafistes en France (25 à 30 %). Cela révèle à la fois « l’existence d’un véritable marché du croire » et « l’affaissement du pouvoir régulateur des instances de socialisation religieuses "traditionnelles" que sont par exemple la famille, la mosquée et, à un moindre degré, les structures liées à l’islam consulaire ». La conversion s’effectue par capillarité, essentiellement dans les quartiers populaires, où se côtoient musulmans et non-musulmans. Enfin, le salafisme trouve un terrain de diffusion particulièrement propice dans les anciennes « banlieues rouges », où se conjuguent une culture de la contestation sociale et une dynamique de néoislamisation. « Deux temporalités sont ainsi centrales : l’une protestataire et “antisystème”, héritée de la socialisation dans le ghetto ; l’autre raisonnable car conservatrice, due à une vision largement dominante du politique, aujourd’hui, notamment parmi la jeunesse, faite de défiance à l’égard du militantisme organisé et du dialogue avec les institutions ». Aussi les salafistes se distinguent-ils par leur absence de volonté de transformer les structures de la société. À ce titre, ainsi que le souligne Mohamed-Ali Adraoui, le salafisme présente l’avantage de « pouvoir vilipender un ordre politique délégitimé sans devoir prendre en main un effort de transformation du monde ».