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Dans les pas de Robert
2 février 2016

L'expérience de John B Root

C’est la rentrée littéraire sur Bad Taste... l’occasion de réparer une injustice en s’intéressant à un roman récemment paru et passé complètement inaperçu. L’heureux élu n’est ni un inconnu ni un étranger au milieu du cinéma. Il s’agit de John B. Root et de son livre « Le Pornographe et le gourou » (éd. Blanche, juin 2015). Qui raconte l’histoire de Valentin, un réalisateur porno pour qui la chair est triste (et qui a filmé toutes les femmes), sa crise existentielle, son enfance, sa mort, sa résurrection, sa réconciliation avec le monde par la révélation d’un ordre cosmique, sa rédemption grâce à la spiritualité. Un personnage en quête de sauveur qui ressemble beaucoup à l’auteur. Sa vie, son œuvre, ses expériences dans le journalisme audiovisuel, la littérature jeunesse, les CD-rom interactifs, la réalisation de pornos de qualité, des bonnes critiques dans Le Monde, Les Cahiers, sa photo en dernière page de Libé, ses récompenses, son Hot d’or, sa production Gonzo… tout y est. Un livre qui commence avec la relativité d’Einstein et finit avec Newton et sa gravitation, où le chimiste Lavoisier côtoie Milan Kundera sur fond de double pénétration et d’éjac’ faciale. Un personnage qui « meurt » dès les premières lignes, la mort vécue comme un soulagement, l’occasion de répondre à ses interrogations sur le sens de la vie (avec un sérieux qui confine au burlesque des Monty Python d’ailleurs cités dans livre) et l’énigme du monde : « Vous croyez au hasard, vous... vous pensez que le monde fonctionne comme une mécanique impersonnelle animée par des collisions d’atomes aléatoires et des échanges d’énergie sans finalité. » Des atomes, on passe sans transition aux « Particules élémentaires » de Houellebecq avec un Valentin occupé à filmer une soirée échangiste dans un village naturiste du Cap d’Agde : « La viande rouge, la viande blanche, crue ou cuite, les gros nichons rougis par le soleil et rendus luisants par le monoï, les petits seins fermes, les tétines en forme de gourdes, les couilles rondes ou flasques, le pénis de toutes les tailles… Les fesses de tous les âges et de toutes les formes, les lolitas exhibs de 20 ans qui entourent le DJ, les rombières de 60 ans qui sirotent des mojitos en écartant leurs cuisses blanches et molles dans l’espoir d’être rejointes sur les coussins par un jeune gérontophile... » Un malaise, un réalisateur qui tombe à la renverse, le corps piétiné par les convives et qui se remémore le film de sa vie : « Il avait voulu être Abel Gance, Orson Welles ou Nagisa Oshima ; il avait voulu révolutionner le cinéma pornographique et, à 48 ans, il dormait dans un fourgon en panne et payait ses dettes en vendant des vidéos de partouze sur des clés USB, aux libertins qui souhaitaient emporter un souvenir de leurs vacances au Cap d’Agde. » Flash-back. S’ensuivent des pages où Valentin raconte son enfance, sa relation avec sa mère qu’il surnomme la « Reine blanche » qui, par sa méchanceté, sa monstruosité, sa perversité, ressemble à la reine de « Blanche neige et les sept nains ». Un univers enfantin, féérique, le monde merveilleux des contes de Grimm qui rappelle les débuts de John B. Root dans la littérature jeunesse. Une « Reine blanche » malheureuse en amour, incapable d’aimer sa progéniture. Son dentier qui traumatise le jeune Valentin, sa froideur qui le hante jusque dans des rêves où ses paroles débitées sans intonation ni émotion lui font ressembler aux mannequins du Korova Milk Bar d’ « Orange mécanique », cette scène horrible où le personnage couche avec une femme à la carnation translucide dont le vagin cache un cordon ombilical qui lui rappelle son statut d’esclave, cette laisse qui le relie à sa mère castratrice. Une mère dont le souvenir l’empêche d’éprouver du plaisir dans l’attachement et les relations. D’expérience ratée en dépucelage avorté, Valentin se réfugiera dans la masturbation sur le mode compulsif. Un branleur de première : « Il se tirait sur la nouille le matin au réveil, à midi dans les toilettes du collège, le soir – une fois avant le dîner et au moins deux ou trois fois jusqu’à ce qu’il s’endorme. Si les branleurs avaient des ailes, il aurait été chef d’escadrille. » Une sexualité miséreuse, vécue dans la honte et la pénombre d’un appartement éclairé par le néon du poste de télévision : « Il passait des nuits entières, la main autour du pénis, dans la lumière bleue de sa télévision. » Une lumière mais aussi une illumination, celle que le porno « renfermait une clé et qu’il devait la découvrir ». Une illumination qui lui fait abandonner sa femme, ses enfants, un avenir tout tracé dans la bande dessinée pour embrasser une carrière de pornographe sous le pseudo Paul Forguette (pour « forget », comme pour oublier sa mère). Les débuts sont difficiles, un film porno fantastique produit par le patron d’un bar à bouchon qu’il fréquentait en tant que consommateur (« se faire sucer sur un canapé puant l’eau de Javel à 2 heures du matin en écoutant le patron d’un bar à putes massacrer “ L’Eté indien ” au micro était une expérience intéressante ») qui fera un bide, puis un succès avec une comédie sentimentale qui se veut un hommage à Georges Perec et qui sera comparée par la critique au cinéma d’Eric Rohmer.

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